Nous reprenons notre série d’interviews de bartenders avec un pilier de la scène française ! Guillaume Leblanc nous raconte son parcours incroyable, qui l’a conduit à parcourir le monde et à s’imprégner de toutes les cultures du cocktail. Il nous parle de son amour du rhum et nous livre quelques secrets 😉 Bonne lecture !
Peux-tu nous parler de ton parcours de bartender ?
Vous n’êtes pas couchés alors !!!
Cela à commencé tout jeune quand j’allais rendre visite à mon parrain qui tenait une brasserie (au tonneau des Halles à Paris puis Le petit Choiseul). J’aimais l’ambiance, le contact avec ses clients et sa bonne humeur.
J’ai donc naturellement fait un cursus en école hôtelière (1999/2003); celle de Paris (EHP 17e) pour finir avec une mention complémentaire en bar où j’ai fini premier de ma promotion avec un prix Européen du concours organisé par L’AEHT (on peut encore voir mon prix à l’école hôtelière de Paris dans les vitrines).
J’ai commencé dans des hôtels 4* mais j’ai vite compris que j’avais besoin de plus de liberté, moins de hiérarchie et plus d’envoi.
J’ai postulé à l’Alcazar en septembre 2005 et j’y suis resté pendant 3 ans passant de barman à chef barman. C’est là que j’ai fait mes premières créations dignes de figurer sur une carte et mes premières infusions et expérimentations inspiré par Colin Field (chef barman du bar Hemingway au Ritz et parrain de ma promotion).
Puis après un break de 3 mois en Argentine, je prends le poste de chef de bar du Kube Hôtel dans le 18e qui consiste à gérer le bar de l’hôtel et l’Ice Kube by Grey Goose (le bar de glace de Paris). Le concept est rigolo pour l’époque mais très vite redondant. J’y reste jusqu’en octobre 2011 et je signe ma première carte complète.
Je fais la rencontre de Stanislas Jouenne (brand ambassadeur Grey Goose), qui se retrouvera à gérer la boutique de LMDW à Odéon et créera un programme de Masterclass en 2010 qui sera une nouvelle source de connaissances et d’approfondissement de ma culture spiritueux et bar !!!!!
Je tiens à dire que jusqu’en 2010/2012 environ le monde du bar n’était en rien ce qu’il est aujourd’hui ! On était dans l’ère du bar lounge où la star c’était le DJ, les mojitos, caïpis, cosmo et la vodka régnaient en maître, et internet ne donnait pas encore beaucoup d’infos utiles pour notre métier, les livres étaient très difficile à trouver en sachant qu’il fallait connaître au moins les titres et les auteurs.
C’est en décembre 2011 que j’intègre le groupe Expérimental qui ne compte que 3 établissements en France à ce moment.
Recruté pour l’ouverture du Ballroom en mai de l’année suivante, le premier bar/club du groupe.
Je fais mes premiers extras à l’Expérimental cocktail club et au Prescription, j’y trouve une vraie famille de passionnés et de puristes.
Finalement, après quelques départs je choisis de prendre la direction du Prescription aux côtés de Xavier Lusso car j’aime vraiment l’équipe et le lieu !
Puis en 2013, le groupe ouvre un beachclub à Ibiza, je pars faire un remplacement début juillet mais je me retrouve vite à devoir remplacer le bar manager, une expérience intense qui durera jusqu’à début octobre avec des journées très chaudes dans tous les sens du terme, il fallait en plus de bien se faire comprendre par une équipe novice garder la qualité “Expé”, mettre en place “la machine” toute nouvelle, faire face à l’imprévu. Des journées de 15h parfois et un seul jour de congé en plus des soirées clubbing ibizencas, de quoi perdre facilement la tête.
À ce moment l’envie de voyager est plus que présente en moi et je décide de viser l’Australie car mes 30 ans approchent et le working Holiday est presque fini pour moi.
J’organise alors pour la mi décembre une nouvelle expédition initiatique en commençant par le Népal, l’Inde puis le Sri Lanka sur 3 mois encore, avec pour but de finir en Australie.
L’univers ayant d’autres projet pour moi me fit rentrer au bercail après le Sri Lanka. (Une grande pensée de soutien après le drame du mois dernier).
De retour à Paris je prends uniquement des extras avec toujours comme objectif de repartir pour début octobre en Australie. J’organise la partie mixo d’un pop up pour Mercedes avec Jean François Piège, l’anniversaire de la marque Vicomte Arthur, pop up encore pour la Fashion Week. Puis pendant le Rhumfest, je retrouve un ancien adversaire du concours Hendrick’s qui depuis a ouvert le premier bar à cocktail Tiki de la capitale, le Dirty Dick. Il m’invite à passer et voir ce que l’on pourrait faire ensemble.
C’est fin juin que je fais mes premiers extra, mais prends très vite les semaines complètes en raison du départ de la dernière manager et des vacances.
Je me rends compte aussi très vite du potentiel du lieu, de l’équipe et du concept à remettre au goût du jour mais l’envie de voyager est trop présente donc je garde mon objectif premier.
L’été passe, je retourne à Ibiza 15 jours voir les amis, profiter de la vie et je fais mon premier Guestshift avec la cachaça Leblon, idée de Philippe Mille au beachclub du Hard Rock Hôtel tout neuf, avec Josefran Martin comme bar manager.
À mon retour à Paris, Scott (Dirty Dick ndlr) finalement me fait une proposition que je ne peux refuser avec en plus carte blanche pour le développement du bar grâce à l’expérience que j’ai emmagasinée.
Chose que j’ai prise très au sérieux et j’entre fin 2014 (jusqu’en octobre 2018). Nous avons relancé la culture Tiki en France sous ses meilleurs aspects et avec fun, à l’international sous forme de pop up, lors de festivals tiki et Guestshifts (une quinzaine pour moi en 3 ans ), avec la promotion de rhum et Spiritueux de qualité, des fruits frais, préparations maison journalières et beaucoup de nouvelles techniques, un travail colossal.
Tout ça concentré dans un menu où classiques faux polynésiens, Néo Tiki et bowls tropicaux changé 3 fois en 4 ans pour correspondre aux désirs de la clientèle parisienne et internationale, ce qui nous a valu plusieurs distinctions par Time Out, figurer dans le prestigieux guide Louis Vuitton, figurer 3 années dans les 100 meilleurs bars du monde et figurer aussi dans la liste des nominés de Tales Of The Cocktail 2018 “best international high volume cocktail bar”.
Je lance aussi dès fin 2016 les jeudis ambassadeurs où une fois par mois j’invite un ambassadeur de marque au bar pour qu’il puisse parler de sa marque, faire avec lui 3 créations et un food pairing.
Je comprends vite que le rhum est un de mes spiritueux préférés et qu’il a tellement de potentiel que je dois apprendre plus à son propos et en 2017 j’ai la chance de pouvoir faire quatre îles des Caraïbes dans l’ordre :
Porto Rico avec le programme Cane Camp de la distillerie Serrales, Jamaïque où je peux visiter Worthy Park Estate et Hampden Estate un vrai voyage authentique et dans le passé, la Barbade avec Plantation qui venait d’acquérir W.I.R.D, Mount Gay et son joyau St Nicholas Abbey.
Puis St Lucia distillers en octobre après avoir organisé et jugé le premier Chairman’s Reserve Mai Tai Challenge France, sa finale et la soirée, là encore une expérience extraordinaire.
Pour finir à La Réunion en Janvier 2018 et visiter Savanna car ses rhums sont exceptionnels, repos bien mérité et découverte de l’île de ma chérie qui est devenue ma fiancée depuis et maman de notre premier fils.
Après 4 ans de bons et loyaux services, en octobre dernier après avoir promu le Dirty de la Russie aux Caraïbes, je rends mon tablier au bar qui m’a donné la foi du rhum authentique et devient consultant, pour me donner le temps de développer mes deux prochains projets personnels et différents partenariats avec des marques, un programme fun avec Savanna et d’autres surprises qui verront le jour d’ici la fin de l’année.
Quelles sont les règles de base en mixo ?
Pour moi, la base c’est de savoir de quoi on parle, connaître les produits: de l’agent sucré aux différents agrumes et fruits ou épices puis toute la grande famille de spiritueux. C’est à dire beaucoup de lecture et de recherches.
Quand tu connais tes bases tu sais ce que tu mets dans ton shaker.
Puis il faut connaître les techniques et les outils.
Mais aussi, le goût des bonnes choses – mon grand-père m’a toujours dit : “on ne fait du bon qu’avec du bon”.
Et donc forcément faire toutes les préparations soi même devient une évidence, je suis un amoureux du “fait maison”.
C’est une passion, une vocation donc le travail d’une vie et de longue haleine.
Qu’est-ce qui fait la différence dans un très bon cocktail selon toi ?
C’est une très bonne question, difficile à répondre car beaucoup de paramètres doivent être pris en compte et cela va même au delà du concept du cocktail.
Les ingrédients, les techniques choisies, l’équilibre du cocktail, la décoration et la verrerie sont des éléments à prendre en compte.
Il faut aussi comprendre la subjectivité du goût, un très bon cocktail pour moi ne le sera pas forcément pour toi.
L’expérience que tu vas vivre grâce au lieu et à l’humain, c’est à dire du décor du bar au bartender et son équipe, jusque la ou les personne(s) qui peuvent t’accompagner feront cette différence.
Je crois savoir que tu as une certaine tendresse pour le rhum, c’est le moins qu’on puisse dire, peux-tu nous raconter comment c’est arrivé ?
Le rhum est le spiritueux qui me fascine le plus et ça a commencé en 2010 quand j’ai sorti ma première carte au Kube, j’y ai fait ma première sélection de rhum et de whisky.
Les premiers Cocktail Spirit et Rhumfest ont attisé ma curiosité et quand j’ai découvert le Smith & Cross (blend de rhums jamaïcain continentaux et vieilli sur les docks de Londres suivant une vieille tradition), je suis tombé profondément amoureux des rhums puis des high esters – les “grands arômes” – dans notre législation française.
C’est à partir de là que j’ai commencé mes recherches et mes expériences, j’ai vite compris qu’on pouvait les mélanger pour mettre en avant les différents profils qu’ils peuvent offrir.
Et dans cette recherche de “grands arômes”, j’ai découvert en 2014 le “Lontan” de la distillerie Savanna, l’un des rares derniers G.A français, ce qui m’a donné envie de mieux connaître cette distillerie et ces rhums et j’en suis tombé éperdument amoureux.
Quels sont les atouts du rhum en mixologie ?
Comme je viens de le dire chaque rhum à un profil différent et le panel gustatif du rhum est extrêmement riche et diversifié.
Cela en fonction de sa matière première, son type de fermentation, son type de distillation, son affinage, etc.
Ça nous rappelle le concept très français du “terroir” et j’en suis autant amoureux que défenseur.
De là, il est bien plus que l’agent “fort” (alcoolique) du cocktail, c’est une source de goût multiple et on peut l’associer à d’autres pour booster ou mieux contrôler les arômes et la force du résultat final.
On peut aussi construire le cocktail autour de lui pour le mettre encore plus en avant et ça marche à merveille avec des recettes simples à savoir le daïquiri.
Il est selon moi le meilleur cocktail pour tester un rhum.
Y a t’il des règles ou des principes pour mixer un rhum (ou plusieurs) ?
Une fois de plus, il est question d’expérience, de connaissance des arômes, de bon goût et de bon dosage.
Aurais-tu une recette efficace de cocktail pour un débutant ?
Je pense vraiment qu’un débutant peut très facilement se faire un super daïquiri avec un Tiki rhum blend, et je vais même vous donner un petit truc pour plus de gourmandise et de plaisir.
Le plus compliqué sera de débusquer les rhums.
1 – Un daïquiri très simple à faire :
1cl de sirop de sucre de canne
2cl de jus de citron vert*
1cl Savanna Créol 52
2cl Hampden overproof 60
2cl El Dorado 5 ans
Verser tout les ingrédients dans un shaker.
Shaker et filtrer dans une coupette glacée.
2- Exo-tiki-zation ?
Vous prenez la recette que je viens de vous donner et vous allez y ajouter :
1/2 fruit de la passion
5cl de jus d’ananas**
1cl de Dry curaçao Pierre Ferrand ou Cointreau
Et si possible un généreux double Dash
D’Angostura Bitter.
Soit vous utilisez la méthode précédente avec le shaker.
Soit vous utilisez un blender et y ajoutez
4 beau glaçons (par cocktail)
Puis blender au max 10 secondes
A verser dans un grand verre glacé avec une paille en bambou
Décorer avec :
1/4 de fruit de la passion
1 quartier d’ananas
Et une ombrelle en papier
*A presser au dernier moment et filtré à la passoire fine !!!
** Le jus d’ananas centrifugé bien évidemment
La méthode la plus simple pour glacer un verre à la maison est de le laisser 10 minutes au congélateur.