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Depaz : interview de Benoît Bail, brand ambassador

La belle distillerie du Nord de la Martinique fait partie des plus anciennes de l’île et tient une place importante dans le cœur des amateurs de rhum agricole. C’est aussi une distillerie qui est restée relativement discrète depuis le nouveau souffle du rhum apparu il y a une dizaine d’années. Mis à part ses aficionados, la plupart d’entre nous connaît assez peu Depaz dans le détail.

Cependant, la distillerie prend les choses en main depuis quelques temps avec une refonte de la gamme et de nouveaux embouteillages (bruts de fûts notamment). Dans cette dynamique de changement, Benoît Bail (La Confrérie du Rhum, Agricole Tour…) a récemment été nommé brand ambassador de la marque. Nous lui avons posé quelques questions pour refaire le point sur les rhums Depaz et répondre à quelques questions en suspens :

On connaît assez peu de détails sur la distillerie Depaz, peux-tu nous parler des types de cannes utilisées, du terroir, des fermentations, de la distillation, des vieillissements pratiqués… ? (ça fait beaucoup en une question :D)

Effectivement, ça fait beaucoup pour une seule question, mais je vais essayer d’être le plus complet possible. (rires)

Tout d’abord, il faut savoir que Depaz est situé sur un terroir volcanique sur les flancs de la Montagne Pelée, qui s’étend sur 160 hectares. Ce secteur est parfait pour y cultiver de la canne à sucre grâce au jeune âge des sols, encore rempli de minéraux dûs à l’irruption de la Montagne Pelée il y a maintenant à peine un peu plus d’un siècle, mais également grâce à son niveau de pluie assez faible (effet de Foehn, les alizés et les terres en partie sablonneuses qui drainent l’eau et ne la retiennent pas).

Tout ceci nous permet de manière générale d’obtenir des cannes concentrées en sucre et moins en eau.

Concernant nos variétés de canne à sucre, nous utilisons 3 variétés actuellement, à savoir une majorité de canne bleue (La B 69.566), mais également de la canne cannelle (La B 82.0333) et de la canne zikak (B 80.08). Nous essayons également, de manière régulière, de nouvelles variétés de canne à sucre, pour voir si elles s’adaptent bien à notre terroir. Actuellement, par exemple, nous faisons des essais sur la canne rouge.

La récolte, elle, se fait entièrement à la machine et les cannes sont acheminées en moins de 24h des champs vers la distillerie, puisque nos terres se situent pour la majorité à proximité tout autour du domaine.

Pour la partie fermentation, nous utilisons une variété de levures de type boulangères, que nous étions jusqu’à peu les seuls à utiliser. Notre fermentation est ensuite en moyenne de 48h et obtenons ainsi un moût d’environ 6% degrés, prêt à distiller, ce qui est assez élevé.

Pour la partie distillation, nous disposons d’une colonne créole dédiée aux rhums Depaz, qui respecte le cadre réglementaire imposé par l’AOC. Notre rhum de coulage titre lui à 72%.

Pour conclure ce panorama, nous pratiquons nos vieillissements dans deux types de fûts séparés. D’un côté, des fûts de chêne américains de seconde main, puis de l’autre des fûts de chêne français ayant précédemment contenu du cognac avant de pratiquer différents assemblages des deux types de fûts avec un ratio respectivement d’environ 80% – 20%. Volontairement, nous pratiquons également des durées de vieillissement plus longues que ce que prévoit l’AOC. Ainsi, notre rhum vieux n’est pas un simple 3 ans, mais aura vieillit pendant un minimum de 4 ans, notre VSOP pendant 7 ans et notre XO minimum 8 ans (assemblage de 8-10 ans). Ceci nous permet de proposer des rhums de grande qualité gustative avec une richesse et une complexité importantes.

Peux-tu nous parler de la maître de chai Nora Carrion-Martinez et de son profil atypique pour la Martinique, de par sa formation cubaine ?

Nora est une experte dans son domaine qui a intégré l’équipe Depaz au début des années 2000. Elle est à l’origine de la majorité des nouvelles cuvées que nous connaissons dans la gamme. Sa formation cubaine lui donne en effet un caractère et une façon de faire propre à elle, comme le fait de ne pas réduire ses rhums avant de les mettre en vieillissement, ce qui est une pratique qu’elle a ramenée de Cuba. Elle a également formé certains grands artisans du rhum qui excellent, ce dont elle est très fière également.

C’est une personne formidable avec un caractère bien trempé (Latina oblige…), dont on ne peut que respecter le savoir-faire et l’humilité.

Je suis personnellement un fan du Depaz Doré, est-ce que la recette du nouvel embouteillage est inchangée ?

La recette reste, en effet, inchangée. Il y a de cela quelques années, nous avons décidé de faire une refonte des packaging de la gamme afin d’y amener un peu plus d’unité, car avec toutes ces bouteilles de formes et de couleurs différentes, on ne s’en sortait plus vraiment et ce n’était surtout pas clair pour le consommateur.

Aujourd’hui, nous sommes fiers de pouvoir proposer un packaging premium avec des produits d’exception, correspondant à l’image que nous souhaitons refléter.

La distillerie Depaz s’attendait-elle au succès phénoménal de ses bruts de fûts ?

Je pense que dans un premier temps, comme souvent, on essaie de suivre des modes et on souhaite satisfaire les consommateurs. Proposer des brut de fûts était donc une suite logique dans le renouvellement de la gamme et dans l’évolution de la marque et quand on a dégusté les premiers échantillons du brut de fût 2000, à l’époque, tout le monde était unanime et nous savions que ça ne pouvait que marcher.

C’est formidable que nous disposions d’aussi vieux rhums dans nos chais. Ce n’est pas tous les jours que l’on croise des rhums de 18 ans, encore moins quand ils sont proposés en version brut de fût.

Peux-tu nous parler de la cuvée prestige XO, de la composition de l’assemblage ?

La cuvée Prestige XO est un assemblage de rhums entre 9 et 11 ans vieillis en fûts de bourbon et de cognac, comme la majorité de nos assemblages. Cette référence historique a pendant longtemps été la référence supérieure de la gamme Depaz.

Même si aujourd’hui, nous proposons d’autres produits qui sont peut-être plus complexes encore au niveau gustatif, ça reste un excellent rhum pour les amateurs de produits fins.

Comment se fait-il que le millésime 2002, si réussi, soit encore disponible ? Les quantités devaient être énormes cette année là !

Alors c’est une question qui revient assez souvent en effet… En dehors du fait que cette année ait été une excellente année pour un grand nombre de distilleries de l’île, on a l’impression que la source de ce rhum est inépuisable…

Cependant, quand on se penche sur les chiffres de vente de ce millésime, on se rend compte qu’en réalité, s’il a l’air d’être inépuisable, c’est tout simplement parce que les ventes ne sont pas aussi importantes qu’on le pense et que les bouteilles que l’on voit sur les réseaux sociaux ou dans les stocks chez les cavistes ne datent pas d’hier tout simplement.

Je précise que la cuve indiquant l’étiquette du millésime 2002 à l’entrée de la distillerie n’est qu’un panneau publicitaire et ne contient en aucun cas ce rhum, sinon en effet, les volumes seraient encore très importants.

On a pu entendre ici et là que les rhums blancs 50 % et 55 % ne seraient plus commercialisés. Peux-tu nous rassurer là-dessus ?

La référence ultime en blanc en dehors de la Martinique est la Cuvée de la Montagne qui titre à 45% et colle ainsi avec le titrage alcoolique du reste de la gamme. Les 50% et 55% ne sont actuellement commercialisés que sur l’île, même s’il arrive que quelques cavistes de métropole détiennent encore quelques bouteilles sur leurs étagères à des prix parfois très alléchants… Mais ça reste entre nous 😉

Ces rhums blancs sont uniques par leur côté authentique que je qualifierais de riche et « rustique », à quoi cela est dû ? Le vesou ? La Fermentation ? La distillation ? (Peut-être tout cela à la fois)

C’est, en effet, dû à un peu tout ça à la fois… Entre la spécificité de notre terroir, des types de cannes à sucre utilisés, du taux de sucre plus élevé et une fermentation plus longue que la moyenne, on arrive à obtenir des rhums blancs extrêmement riches qui donnent également une bonne base pour opérer nos vieillissements.

Quelle était l’idée de la Cuvée de la montagne, et de son titrage inhabituel à 45 % ? Peut-être d’inviter le public à découvrir le blanc agricole en dégustation pure?

Tout à fait, l’idée était d’amener le consommateur vers la dégustation d’un rhum blanc pur, un peu comme une eau-de-vie, avec un titrage qui correspond selon notre maître de chais le mieux à la dégustation des rhums Depaz. On a ainsi réussi à créer un produit d’une richesse aromatique inouïe, malgré un degré plus faible en alcool et d’en faire ainsi un rhum blanc considéré aujourd’hui comme haut de gamme aux notes de citron vert et légèrement sucrées, comme si le ti-punch était déjà tout prêt dans la bouteille.

Quelle part de la production martiniquaise Depaz représente-t’elle ?

La distillerie Depaz représente aujourd’hui un peu plus d’1/8ème des volumes de rhums produits en Martinique (1,8 millions de litres).

Est-ce que Depaz est présent en dehors de l’Europe ?

Depaz est actuellement présent en Asie et plus précisément au Japon et nous devrions également être présent sur le marché américain d’ici la fin de l’année.

As-tu quelques scoops sur l’avenir proche de Depaz ?

L’une ou l’autre nouvelle cuvée devrait faire son apparition au courant de cette année, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant si ce n’est que ça sera du jamais-vu dans notre gamme.

Merci Benoît et vivement la suite !!

Crédits Photos : Dan Beal

Une réflexion au sujet de « Depaz : interview de Benoît Bail, brand ambassador »

  1. Article très intéressant, merci !
    En effet, la distillerie Depaz est relativement discrète mais elle a énormément d’atouts en plus de ses produits bien sûr, il y a ce site unique ainsi que les hommes et les femmes qui font ce rhum. Ce sont de belles histoires à raconter.

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