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Interview : Cédric Brément – Le maestro du Rhum Arrangé

Aujourd’hui nous avons rendez-vous avec un virtuose du rhum arrangé, celui qui lui a donné ses lettres de noblesse depuis déjà 8 ans. Cet ancien ingénieur en agroalimentaire et basketteur de haut niveau a créé les Ti arrangés de Ced en 2011 dans la région Nantaise, et a rapidement reçu nombre de distinctions, dont un label maître artisan dès 2013.

En constante quête de qualité et d’innovation, il a sans cesse renouvelé le genre avec des macérations originales (banane cacao, kumquat café…) , des concepts poussés (Point G, Ti Graal…), des vieillissements en fûts (sauternes, sherry…), et toujours des fruits soigneusement sélectionnés, coupés et mis en bouteille à la main.

Nous lui avons posé quelques questions sur sa philosophie, ses méthodes, et sur l’avenir. Une interview fruitée à siroter comme un bon arrangé 🙂

Comment était le monde du rhum à tes débuts en 2011 ?

Quand j’ai débuté, je n’avais quasiment aucune connaissance de l’univers du rhum. Je me suis concentré sur mon produit et mes valeurs et ensuite je me suis mis en quête de le découvrir.

Est-ce qu’il y avait déjà des rhums arrangés en bouteille dans le commerce ?

Oui il y en avait déjà – j’avais identifié 2 marques qui restaient localisées que sur la Bretagne.

Comment as-tu commencé à te faire connaître ? En local ? Lors de salons ?

Je me rendais beaucoup disponible pour faire des dégustations chez mes clients qui se situaient dans une zone géographique proche de l’atelier (plus simple quand on démarre).

Le bouche à oreille a fait le reste ? Les salons ? Le fait que tu te déplaces de plus en plus loin ?

Le bouche à oreille est un outil « simple » au démarrage – ensuite je me suis un peu « exporté » loin de mes bases – grâce à des salons, et j’ai aussi pris mon courage à 2 mains avec des tournées commerciales – mais ce n’était pas là où j’étais le plus à l’aise.

En quoi consiste le label maître artisan ?

Le label Maître Artisan est une distinction décernée par la commission régionale de qualification. Dans mon cas, je l’ai obtenu par rapport au savoir faire reconnu au titre de la promotion de l’artisanat. Les éléments qui ont pesé dans la balance sont :

  • Mon expérience dans l’agroalimentaire de part ma formation d’ingénieur
  • La précision et la méticulosité du processus de fabrication
  • Les distinctions significatives obtenues dès 2013.

Combien de temps cela prend il pour élaborer puis valider une recette ?

Tout dépend de la recette – ça peut aller de 3 mois à 12 mois.

Tu fais plusieurs essais en même temps, avec différentes quantités de fruits, de sucre etc pour une même recette ?

Pour une recette, quand j’ai un doute sur les fruits – oui je teste différentes proportions parce que nous obtiendrons différents équilibres. Ensuite je travaille de plus en plus sur des blends de rhum affinés dans mes fûts. Sur ce travail là je passe plus de temps parce que l’équilibre total est plus compliqué à obtenir.
Sur la partie sirop, le sirop est un élément technique et non aromatisant. Je m’explique, le sucre est le catalyseur de la macération qui va me permettre d’extraire l’aromatique du fruit et pas autre chose. Donc ma recette de sirop et sa proportion dans le produit global m’apporte cette touche technique…et donc non directement aromatisante.

Combien de temps faut-il à une bouteille pour être prête à la vente, combien de temps faut-il compter entre la mise des fruits en bouteille et la commercialisation ?

Notre cahier des charges qui datent de 2011 est de minimum 1 mois de macération – et maintenant en fonction des produits nous pouvons proposer des produits jusqu’à 30 mois de macération.

Quelle est la recette la plus compliquée à gérer ?

Les recettes les plus compliques à gérer sont celles issues de rhum ayant été élevés en fûts. Elles mettent forcément plus de temps à être créées. Et il peut y avoir des différences aromatiques selon les fûts issus d’un même lot.

Tu as une recette préférée ?

Toujours la dernière et l’ananas caramel beurre salé est un vraiment top.

Est-ce qu’il y a des recettes qui sont difficiles à reproduire à grande échelle ?

Ce ne sont pas forcément des recettes mais des concepts – celui du POINT G demande énormément de manipulation dans un endroit naturel – il faut donc le préserver donc on ne fait pas n’importe quoi n’importe comment.

Pour tes nouvelles recettes, tu fais confiance à ton palais seul ? Tu fais appel à ton équipe ? Tu as besoin de cobayes ?

Je fais appel à l’équipe Les Rhums de Ced qui participent aux tastings – des fois il m’arrive quand cela est possible de faire déguster à l’extérieur mais c’est plus rare. Il est important d’avoir plusieurs avis pour cerner tous les palais et être le plus fédérateur possible.

Est-ce que tu as plusieurs essais en cours ?

Toujours oui il faut garder un temps d’avance dans la création.

Le secret restera bien gardé ?

Est-ce que tu utilises toujours du rhum agricole ?

Le Bio n’est pas agricole (il vient du Paraguay) – je n’ai pas encore eu la possibilité malgré différentes demandes de pouvoir avoir de l’agricole BIO …j’aimerais…

Combien de temps fais tu vieillir tes rhums en fût ?

Minimum 6 mois – les plus vieux ont 5 ans. C’est un univers que je souhaite vraiment développer parce que je m’y éclate.

Quel est le plus vieux que tu aies embouteillé jusqu’ici ?

Le plus vieux est le cognac utilisé pour le caramel beurre salé qui avait 2 ans ½.

On parle là de véritables vieillissements ! Tu as appris sur le tas ?

Oui j’ai appris tout sur le tas et il m’en reste encore plein à découvrir. C’est un univers tellement passionnant.

Ton chai compte combien de fûts maintenant ?

240 fûts de multiples origines – c’est à partir de là que la création peut commencer.

Après la reprise de ta société (par le distributeur Dugas), as-tu d’autres projets pour les années à venir ?

J’ai maintenant plus de temps pour créer – donc je vais continuer à m’éclater dans cette passion……

Est-ce que tu es présent à l’international ? Est-ce que Dugas compte développer cela ?

Nous étions avant la reprise présents : Espagne – Suisse – Italie – République Tchèque – Taiwan – USA – Canada. La société DUGAS possède les forces vives pour continuer ce développement…il y a tellement de choses à faire

Revenons aux point G, comment as-tu développé cette idée ?

Comme souvent à partir d’une idée décalée – et plus elle est décalée et quali, plus je souhaite aller au bout des choses. C’est un peu ce qui me caractérise.

Et le nom te vient d’un goût prononcé pour l’alphabet ? ?

Oui et aussi pour l’imaginaire

Comment as-tu fait pour élaborer le dernier ananas caramel beurre salé ?

 

Déjà il faut toujours partir des différentes matières premières que l’on a et celles qu’on obtient. J’avais le fruit et le caramel beurre salé – il m’a fallu composer la base rhum qui pourrait le mieux possible mettre cette association gourmande tout en la sublimant.

Est-ce que tu es un grand amateur de rhum ?

Je le deviens en tout cas je m’exerce pour me développer cette compétence.

Quel est ton style préféré ?

Basique je pense – un bon vieux agricole – de bonnes traditions – je ne souhaite pour le moment pas trop me disperser – je souhaite tellement apprendre autour du « vieux agricole » et je n’ai tellement pas le temps suffisant pour aller aussi vite que je le souhaiterais.

Est-ce qu’il peut être intéressant pour toi de travailler avec un rhum vieux ?

Vieux provenant directement des distilleries ? Oui cela est possible mais ils sont tout de suite beaucoup plus marqués par le bois et ce n’est pas l’aromatique que je souhaite en premier donc dans ma philosophie, je n’en utiliserai pas – ou pas maintenant.

Est-ce que tu as des conseils de dégustation pour tes arrangés ?

Se laisser aller

Sortir de ses aprioris

Sortir du conventionnel

Ne pas se mettre de cadre

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Simplicité

Pour la température, je te dirais 8 / 12° C – comme pour un vin.

Est-ce qu’il y a un délai pour les consommer ? Ou bien est-ce que la macération est “réglée” pour ne jamais être déséquilibrée dans le temps ?

A partir du moment où le produit est commercialisé c’est que la macération est réglée – ensuite elle peut continuer d’évoluer mais avec le fil conducteur de départ.

Merci Cédric de partager ton univers et ta passion !

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