La Confrérie du Rhum est un groupe Facebook né en 2013, qui regroupe amateurs chevronnés ou novices, professionnels du rhum ou du bar et passionnés de tous horizons. Ce groupe est le lieu de toutes les découvertes et de tous les débats, et a été à l’origine de la création de la plupart des Rhum Clubs régionaux qui fleurissent même en dehors de l’hexagone.
Les administrateurs du groupe ont lancé en 2014 une première expérience d’embouteillage de rhum avec une première cuvée de la Confrérie consacrée à la Barbade. D’abord confidentiels, ces embouteillages ont rapidement connu un certain succès. Depuis, les expériences se sont multipliées et chaque cuvée est attendue, notamment pour la qualité et la singularité des sélections.
Voici les cuvées qui ont été réalisées à ce jour :
– Barbade 2000 – WIRD 13 ans
– Guadeloupe 1998 – Bellevue 16 ans
– Guadeloupe – Rhum blanc 100% Canne bleue – Longueteau
– Martinique – Fleur de canne vieux – Saint James
– Martinique – La Favorite 20 ans
– Martinique – HSE Brut de Fût 8 ans
Nous avons posé quelques questions à Benoît Bail, l’un des fondateurs de la Confrérie du Rhum, pour parler du passé et de l’avenir du groupe, ainsi que de la cuvée sortie le 23 mars 2017 en partenariat avec la Maison La Mauny :
Que de chemin parcouru par la CDR, j’ai du mal à croire qu’elle ne date que de 2013 ! Peux-tu nous raconter les débuts ?
Benoît Disons que le tout s’est un peu fait par hasard! Au départ, je n’étais qu’un amateur de rhum qui découvrait petit à petit ce spiritueux… Malheureusement, originaire du Luxembourg, je n’avais pas grand choix sur place à l’époque et les gens autour de moi qui s’y intéressaient aussi étaient peu nombreux. Du coup, j’ai commencé à rechercher des amateurs de rhum en ligne et notamment sur Facebook. Ainsi, je suis d’abord tombé sur le Ministry of Rum, groupe créé par Edward Hamilton et qui à l’époque comptait déjà quelques milliers de membres, cependant, j’ai très vite compris que les francophones restaient discrets dans ce groupe à cause de la barrière de la langue. J’ai donc ainsi eu l’idée d’en créer une version francophone (ce qui m’en a valu l’exclusion d’ailleurs dans un premier temps), et c’est ainsi qu’est né le « Ministère du rhum » qui par la suite est devenu la Confrérie du Rhum.
Au départ nous n’étions que quelques dizaines d’amateurs, puis au fur et à mesure du temps, des salons et des rencontres, nous avons gagné en notoriété malgré nous et sommes devenu le groupe que nous connaissons tous aujourd’hui.
Quand as-tu constaté l’explosion du nombre de membres ?
Je pense qu’une réelle explosion a eu lieu une fois les 1000 premiers membres atteints. Malheureusement, nous ne savons pas exactement à quoi c’est dû. Est-ce réellement la notoriété du groupe ? La notoriété du produit ? Ou est-ce l’algorithme de Facebook qui une fois un certain nombre atteint, suggère le groupe à plus de personnes ? Nous n’en avons pas la réponse exacte…
Sais-tu si les producteurs surveillent le groupe de près pour avoir des retours sur leurs produits ?
Je sais que depuis les débuts du groupe, un certain nombre de producteurs surveillent le groupe et ce qu’il s’y passe. Au départ, ils y étaient même plus actifs, mais le manque de temps de leur côté pour répondre à toutes les demandes, les commentaires etc a fait qu’aujourd’hui ils sont moins actifs, mais nous savons tout de même qu’ils regardent ce qu’il s’y passe. C’est un bon outil pour eux pour obtenir des retours du public sur leurs produits, mais également pour détecter les tendances du marché.
Comment vois-tu l’avenir de la CDR ? Avez-vous d’autres projets pour la communauté ?
C’est difficile à dire. À aucun moment, depuis sa création, nous n’avions espéré tout ça et aujourd’hui nous prenons les choses comme elles viennent, sans réellement avoir de plan pour le futur. Bien évidemment, nous avons dû passer par des étapes incontournables, comme par exemple le recrutement de nouveaux modérateurs, la mise en place de règles, la surveillance des posts et parfois même des sanctions envers certaines personnes.
Pour ce qui est des projets, nous en avons, essentiellement au sujet des cuvées pour le groupe, mais également de jeux concours et autres. Je pense cependant qu’il vaut mieux laisser chaque chose à son temps et dévoiler les choses concrètes une fois qu’elles sont mises en place.
La CDR a des rapports privilégiés avec les producteurs de rhum agricole. Est-ce que des embouteillages spéciaux de rhums d’autres origines pourraient voir le jour ? J’imagine que la première cuvée venait de chez Scheer (Le grossiste Européen) mais les rums ou rones d’embouteilleurs indépendants vieillis intégralement sur place sont rares, ce serait intéressant.
Alors, en effet, les deux premières cuvées étaient plus des tests que nous avons mis en place avec nos propres petits moyens, suite à une demande générale allant dans ce sens. Nous ne voulions cependant pas prendre de risque. Nous avons été victimes de notre succès suite à cela… Et c’est grâce à ça et grâce au fait que nous étions un groupe francophone que les producteurs de rhums agricoles nous ont contactés pour nous proposer des collaborations. D’autres types de rhums ont bien évidemment également fait des propositions, mais il était compliqué pour nous de trouver quelque chose d’intéressant, allant dans le sens de la demande générale, car soyons réaliste, une cuvée qui ne marche pas n’est bonne pour personne, pour nous, nos membres ni même pour le producteur… Nous avons donc jusqu’à présent toujours privilégié des rhums agricoles, cependant, nous travaillons également sur d’autres idées qui devraient voir le jour dans les années à venir et restons bien évidemment ouverts à d’autres types de produits.
À quand remonte le projet, la sélection de ce rhum ? Peux-tu nous raconter un peu son histoire ?
Concernant la cuvée en collaboration avec Maison La Mauny, c’est un peu particulier. Jerry Gitany et moi même avons depuis le début toujours eu le soutien de l’équipe de BBS ainsi que de leur présidente Nathalie Guillier-Tual, à qui nous devons d’ailleurs également la concrétisation de la première Agricole Tour, il y a deux ans (même si à l’époque elle ne s’appelait pas encore ainsi). Il y a aussi leur souhait de vouloir mettre plus en avant Maison La Mauny, alors que Trois Rivières explose au niveau international.
C’est donc tout à fait naturellement qu’est venue l’idée de créer une cuvée avec leurs équipes. Nous avons donc décidé ensemble de suivre cette idée. Dire à quand ce projet remonte, je ne saurai le dire, je ne m’en souviens plus trop, mais cela doit faire un an ou deux.
De quelle colonne ce rhum est-il issu ?
La distillation de ce rhum s’est faite sur colonnes créoles en cuivre et a été assemblée avec un lot d’une colonne en inox. La canne quant-à elle a entièrement été coupée manuellement.
Est-ce que ce rhum a bénéficié d’un traitement particulier par rapport au reste de la gamme La Mauny ?
Je ne qualifierai pas son traitement comme particulier, non. Il a été traité de la même manière que toutes les cuvées de la maison, dans le but de bien lui donner l’identité Maison La Mauny.
J’ai vu que le vieillissement s’était fait en fûts de chêne français, s’agit-il de fûts neufs ou de fûts de Cognac ?
Ce vieillissement a été fait exclusivement dans des fûts neufs.
Comment ça marche ? On les rince plusieurs fois avant de les utiliser ?
Non, pas cette fois. Ce lot a été mis en fût directement, sans rinçage.
Quel est le titrage du rhum avant la mise en fût ?
La mise en fût a été faite à 65%, mais a été réduit deux fois sur toute la durée du vieillissement.
Avez-vous “surveillé” et goûté régulièrement ce rhum pendant son vieillissement ?
Nous-mêmes ne l’avons bien évidemment pas fait, puisque la Confrérie n’existait pas encore en 2005. Cependant, cette cuvée a été surveillée et goûtée par le maître de chais, Daniel Baudin, ainsi que par Christian Vergier qui travaille beaucoup avec BBS.
Aviez-vous prévu la fin du vieillissement ou avez vous décidé de passer à la mise en bouteille en le goûtant ?
En fait, quand l’idée est venue de créer une cuvée ensemble, Daniel et Christian sont allés voir dans les chais ce qu’ils avaient d’intéressant à nous proposer. Plusieurs échantillons nous ont été transmis pour l’occasion et après plusieurs dégustations sur plusieurs mois, c’est ce millésime que nous avons retenu.
Ma note de dégustation (Nico)
Voici une note de dégustation de cette cuvée La Mauny de 2005 limitée à 1000 bouteilles, qui a passé 11 ans en fûts. C’est un brut de fût qui titre à 49,7%.
Le nez de ce rhum est d’abord bien sec et boisé, un brin poussiéreux mais aussi un peu ciré. On dirait que nos amis de la Confrérie aiment le boisé si l’on en croit cette sélection, ainsi que la précédente qui était consacrée à HSE. Cela tombe bien, les distilleries de Martinique sont des orfèvres en la matière. Ce nez est aussi un peu végétal, avec quelques notes aigües de géranium.
Après quelques secondes, il s’assouplit et s’ouvre sur des fruits un peu confits (pruneau) mais qui conservent une certaine fraîcheur. Le rhum est toujours fort, puissant, poudré et épicé, sur la boite à cigare.
Le fruité prend tout de même de l’ampleur avec des fruits rouges et noirs comme la griotte et la mûre.
Le cuir frais reprend le relais de la puissance, tout juste tanné, un peu réglissé. Puis le rhum fait à nouveau parler la poudre : du chocolat et du café torréfiés, de la coco grillée.
C’est que l’on finirait presque par oublier notre canne à sucre ! Elle revient par la porte du végétal, avec sa bagasse et sa paille.
Avec plus d’aération, le côté floral des premiers instants s’est arrondi, nous sommes sur des notes fragrantes de jasmin ou d’autres fleurs blanches. Quelques fruits secs tournent autour d’un petit noyau.
Le rhum ne se départit pas de son caractère, le boisé est toasté, toujours un peu ciré. La canne s’est étoffée, elle est accompagnée de son fidèle zeste de citron vert.
L’attaque en bouche est souple, puis elle devient vite épicée et légèrement acide. Le cœur de brute de notre brut de fût reprend sa marche, une phase très sèche s’en suit. Le boisé est alors plus brut, plus jeune, un petit côté métallique apporte de la précision. Comme au nez, une sensation plus ample de fruits exotiques (ananas) réchauffe et enrobe, puis les saveurs torréfiées et toastées viennent resserrer tout cela. On note un petit menthol en fin de bouche.
La finale est assez longue, on y retrouve une canne plus nature, poivrée, avec zeste de citron vert. Les fruits secs (raisins) persistent au palais, avec un petit noyau.
Ce rhum charpenté s’éloigne de la gamme classique de La Mauny et vient la compléter de belle manière. En prenant votre temps pour le déguster, votre patience sera récompensée par une jolie complexité et un équilibre entre puissance et richesse.
Nico de l’équipe Rhum Attitude