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Whisky Live Paris 2024 : interview de Nicolas Le Brun

Le Whisky Live Paris fête ses 20 ans ! Cet événement majeur du monde des spiritueux n’a jamais été aussi important, et cette grande fête annuelle est plus qu’attendue par tous les passionnés, mais aussi tous les professionnels qui viennent rencontrer leur public. Pour en savoir un peu plus sur cette édition, nous avons parlé avec Nicolas Le Brun qui travaille depuis plusieurs mois pour en faire une fois de plus un moment inoubliable.

C’est la 20ème année du Whisky Live !

Oui, c’est la vingtième année, et c’est une belle année ! On aime regarder en arrière pour faire des trucs chouettes au présent, et surtout donner notre vision du futur. C’est le but du Whisky Live, ça l’a toujours été. Dans cette édition, nous allons nous pencher rapidement sur le passé avec une passerelle dédiée aux 20 ans, dans laquelle on va revenir sur les éléments qui ont fait le Whisky Live.

Avant de découvrir cette passerelle, peux-tu nous raconter comment s’est construit le Whisky Live ?

C’est marrant parce que c’est une histoire qui vient d’abord d’un noyau dur, minuscule, d’une dizaine de gars dans la région parisienne. C’était à la fin des années 90, avec un premier salon qui s’appelait le Paris Whisky Festival. Il y a eu plusieurs éditions entre 1998 et 2004, avec des expériences incroyables.

Et puis en 2004, on lançait la franchise du Whisky Live. Les premières années, quand tu regardes les photos etc, c’est drôle, au-delà de l’aspect un peu vieillot (alors que c’était au début des années 2000 !), tu vois que c’étaient de tout petits comptoirs, et il y avait une dizaine de distilleries. C’était un peu confidentiel, mais il y avait déjà des stands de dingue en whisky. Je crois que c’est en 2007 que le premier rhum est apparu : Savanna.

Et puis, il y a eu une défragmentation en fin des années 2000, où l’on a accueilli tous les « fine spirits ». En 2013, on avait trois étages. Il y avait un étage whisky, puissant, et au-dessus, c’étaient les expériences. C’était à la Maison de la Mutualité.

On avait déjà l’équivalent de la Rhum Gallery, de la Cocktail Street, et du Patio des Agaves, dont on va reparler. Tu avais un peu tout ça, compilé. En 2014, nous avons fait pareil, dans le même dispositif, puis nous sommes partis à la Cité de la Mode en 2015.

« Et là, les choses ont commencé à changer, vraiment. »

C’est la version de ce que l’on a aujourd’hui, qui est arrivée avec notamment l’apparition de la Rhum Gallery. À l’époque, tout va très vite dans le milieu des spiritueux, les tendances sont très dynamiques. En 2015, le rhum était en plein boum. Le Rhum Fest venait de se lancer aussi. Il y avait un vrai engouement, qui est toujours là, mais différent, plus mature je pense, dans le rhum.

De mémoire, la première Rhum Gallery s’est faite dans le Musée des Arts Ludiques qui était fermé. Ils ont juste cassé les murs, et nous avons pu nous installer dans cet espace très craft. Nous n’avons cessé de travailler la catégorie du rhum sur le salon, et aujourd’hui la Rhum Gallery est un vrai compagnon du Whisky Live.

Le whisky reste fort. À l’intérieur, il y a plein de catégories qui sont intéressantes, que tu vois évoluer. Tu as l’hégémonie de l’Écosse bien sûr. Mais l’autre grosse prise de parole, c’est la France. Nous sommes aujourd’hui à 23 whiskies français, ça devient puissant et c’est chouette.

« Le whisky, c’est assez carré, la Scotch Whisky Association a bien fait les choses. »

Le whisky français est lui-aussi bien délimité. Avec le rhum, on a toujours cette problématique de réglementation. Je ne pense pas être le seul à le dire, c’est une partition un peu plus compliquée.

Chacun prend la parole, mais la première des choses, c’est de savoir qui la prend, et d’où il le fait. Des marques de rhum, il y en a dans tous les sens. Je pense que depuis qu’on parle, il y en a au moins dix qui ont été lancées dans le monde ! Rires. Donc il y a un travail de défricheur, évidemment.

On a la chance d’avoir de super partenaires. On a bien sûr Alexandre Gabriel, qui nous accompagne avec la Maison Ferrand, Planteray, Citadelle et puis sur le cognac. Il y a toujours des choses qui sont réalisées avec lui, que ce soient des embouteillages, des masterclasses etc… C’est toujours un partenaire privilégié, au même titre que La Maison & Velier, avec Luca (Luca Gargano). Leur présence est vraiment un atout considérable. Quand tu organises un salon autour du Rhum, aujourd’hui, et que tu as des personnalités qui sont très fortes, c’est important.

Alexandre a une super cote aux Etats-Unis, sur les réseaux, notamment chez les bartenders. C’est quelqu’un qui est force de proposition, il adore ça. Evidemment, le travail qu’a fait Luca sur les dernières décennies, il est énorme. C’est un défricheur.

« Mais à sa façon, Alexandre aussi est un défricheur, un génie. »

Il va toujours être force de proposition, et encore plus là, avec West Indies (la Maison Ferrand acquis la grande distillerie barbadienne West Indies Rum Distillery), et puis ce qui arrive avec Stade’s aussi, ça va être énorme.

Donc on est aux prémices d’un nouveau chapitre qu’a écrit Alexandre Gabriel. Mais, il ne faut pas oublier que dans le rhum, on a aussi cette tradition française, à laquelle je suis toujours très attentif.

Une autre personnalité qui est très importante pour moi et pour nous, les organisateurs, c’est Grégory Vernant (directeur de la distillerie Neisson). J’ai des référents dans toutes les catégories. Par exemple, en Armagnac, il y a Vincent Cornu de l’Encantada ; quand je vais vers le Cognac, pareil, j’ai un contact ; quand je parle collector, je me dis que je vais appeler Serge (Serge Valentin du blog whiskyfun.fr).

Tu ne peux pas faire les choses tout seul, et ces gens sont des espèces de satellites qui te renvoient des ondes. Grégory, sur la Martinique, c’est le contact privilégié.

« Il fait partie des piliers sur la catégorie rhum. »

Il y a aussi la très belle maison La Martiniquaise, dont on peut toujours avoir le soutien, la participation et l’engagement. Je pense notamment à Marc Sassier (responsable de la production de Saint James, président du Syndicat l’A.O.C. Rhum de la Martinique) qui sera aussi présent, et qui l’est chaque année. Bally et Saint James font toujours des très belles propositions. Ce sont des maisons très prestigieuses.

Et puis si tu tires le fil de chaque zone géographique, tu as de quoi faire. Un jour, peut-être, il y aura une plateforme dédiée à chaque grande tradition. C’est presque le cas déjà, avec une scénographie qui est plutôt dédiée à la Martinique, à la Guadeloupe et à Marie Galante, la tradition française en quelque sorte. Puis il y a la tradition anglaise, et l’espagnole. Je sais que ce n’est pas le chemin qu’ont l’air de suivre les producteurs sur les réglementations. En tout cas, sur la scénographie, c’est une base qui permet de dire « tiens, oui, ça c’est un pur jus, c’est plutôt français, souvent du blanc, pas trop âgé, etc… ».

Côté espagnol, nous allons avoir des choses hyper intéressantes aussi, avec un grand retour. Depuis le temps que je travaille sur le Whisky Live, je n’avais eu qu’une fois cette distillerie, mais c’était un tout petit stand. Là, nous avons un gros stand de Zacapa. Donc ça, c’est super intéressant, parce qu’on sait qu’ils viennent aussi avec Lorena Vasquez, la Master Blender, qui fera une masterclass. On sent que la marque a envie aussi de rencontrer son public.

« Il y a de l’engagement, de la prise de parole, de la personnalité »

C’est toujours excitant d’ailleurs, d’être un peu le point de rencontre entre les marques et le public. Il y a d’autres salons, un peu partout en France, mais on sait que le Whisky Live va donner un peu le programme de l’année à venir.

Nous avons des personnalités qui sont incontournables, mais par-dessus tout, je pense qu’il y a une personne qui fait office de « Godfather ». Il ne faut pas oublier que le Whisky Live, ça reste aussi l’engagement d’une société et la vision d’un homme, Thierry (Thierry Benitah, dirigeant le LMDW), grâce à qui nous avons une légitimité. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, 20 ans, c’est aussi le travail de toutes les équipes de la Maison du Whisky ; celles qui sont passées, et celles qui sont encore là.

L’une des grandes nouveautés de cette édition, c’est le Patio des Agaves…

Ce sera la première fois où l’on investit intégralement la Grande Halle de la Villette. Ça va être puissant. Il y aura une passerelle à l’entrée, que l’on a appelée Patio des Agaves. On écrit un nouveau chapitre, un peu comme on l’a fait avec la Rhum Gallery, avec la Cocktail Street ou le Sake District.

En fait, on est toujours un peu connectés au marché. On regarde quelles sont les catégories qui sont marchent bien, qui font des propositions. Si tu regardes les marchés américains et anglais, principalement, il se passe un truc avec l’Agave. Ce n’est pas la première année qu’on tente des choses. Historiquement, Del Maguey, par exemple, et Altos étaient très présents. Tequila 1800 était présent l’année dernière sur la Cocktail Street. Mais en dégustation, ça bute un peu. Alors cette année, on s’est posé la question de comment on pouvait valoriser cette catégorie qui mérite d’être connue en dégustation. Aujourd’hui, il y a de grosses locomotives, mais il y a un côté craft, également. On a aujourd’hui 11 ou 12 marques qui sont présentes.

Donc c’est modeste, mais on a un atout, c’est qu’on va avoir une palette complète entre les très grandes marques comme Don Julio, et Siete Misterios qui est un mezcal. Entre les deux, tu as Codigo, ou Herradura qui est un peu plus conséquent.

« La tequila est dynamique, elle fait des propositions, c’est une catégorie qui est alignée. »

Elle peut à la fois être très démocratique : après l’ère de la tequila paf, on est déjà passé à autre chose, et la scène Mixo a bien pris le relais. Elle légitime la catégorie. Aujourd’hui la tequila a un ambassadeur qui est le Paloma. C’est comme le Mojito pour le rhum, le Old Fashioned pour le whisky, le Negroni pour le gin, etc…

Encore une fois, le Whisky Live, c’est aussi le reflet de ce qui se passera dans le futur. En tout cas on se dit que l’agave, effectivement, ça peut être une catégorie qui va devenir un classique. Pour l’instant, le mezcal c’est surtout un truc de geeks, et c’est vraiment la tequila qui est en train de s’installer.

Si on était restés dans un monde entre 2010 et 2018, où je pense que c’était vraiment très geeky, ce serait différent. Mais on sent bien qu’aujourd’hui, ça a un peu implosé, parce que les mecs étaient tellement geeks, tellement snobs, qu’au final, ça ne marche pas. Il faut ouvrir la porte, poser un regard, je crois. En tout cas, c’est ma démarche.

Je crois qu’au Whisky Live, et de manière globale à la Maison de Whisky, c’est notre démarche, à savoir la pyramide. Nous sommes de toute façon sur des produits qui sont extrêmement qualitatifs, mais qui sont capables de s’adresser à tout le monde. Avec 40 euros, 30 euros en poche, tu peux commencer à discuter d’un Whisky et de certains rhums.

On a aussi hâte de retrouver la Cocktail Street !

La Cocktail Street, l’air de rien, ça devient plus qu’un compagnon du Whisky Live, ça devient aussi quelque chose d’important. Il y a quelques rhums à l’intérieur, avec un peu de Martinique notamment, Neisson en ti’punch, Saint James, Trois Rivières. Mais il y a aussi une surprise de taille, une marque qui n’est jamais venue et que l’on est très contents d’accueillir : Don Papa. Il y a aussi Diplomatico, Angostura, ainsi que Havana Club, bien sûr, et Bumbu.

La fameuse Daiquiri Machine se transforme, c’est une surprise, elle devient Classic Rum by LM&V. C’est un programme qui est forcément drivé par Angelo (Angelo Canessa, manager de la mixo chez LM&V), notamment.

Des nouvelles également côté Rhum Gallery ?

Alors il y a une grosse surprise à l’entrée, qui ne vient pas de France, mais ça restera une surprise ! Et puis on aura donc, Bally, Saint James, Planteray, Karukera, Montebello, Neisson, Père Labat, Depaz, Rivière du Mât. On a Bielle, qui n’étaient pas venus depuis longtemps, Papa Rouyo, Longueteau, Papillon, Trois-Rivières, Savanna, New Grove qui fait son retour, et un petit nouveau, Famille Ricci.

Et si tout va bien, il y aura du cuir et du Dictador ! Rires

Ensuite on aura La Hechicera, Renegade, Zacapa, Barbancourt, Eminente, Havana Club, Santa Teresa, Anne Bonny, Rum Nation, Equiano, Phraya, Mhoba, Isautier, Black Tot, Kirk & Sweeney, Providence, Hampden, Shakara, Arhumatic et Les Chais Saint-Éloi. Tu retrouves une scène assez classique, il y a assez peu de nouveaux arrivants ces derniers temps.

On a eu une période d’excitation, avec les réseaux sociaux notamment ; l’emballement du rhum, la flamme du whisky français qui prenait, la mixo qui a vraiment éclos. Puis il y a eu le Covid, et les stocks ont été vidés, donc il a fallu réapprovisionner. 2022-2023 étaient vraiment des années fastes pour le Whisky Live, et on sent que là, c’est une nouvelle période qui s’ouvre.

J’ai l’impression que l’on assiste en ce moment à une sorte de polarisation, avec le très haut de gamme d’un côté et les rhums accessibles de l’autre, et qu’entre les deux, ça devient de plus en plus compliqué à trouver des choses au juste prix.

Il y a quelque chose d’assez étonnant qui se passe sur les spiritueux en général, le whisky notamment. Il y a eu un phénomène en France, et on est encore dedans : l’arrivée de Macallan et l’ouverture du bureau d’Edrington en France. Ça a rebattu les cartes parce que tout d’un coup, on s’est focalisé sur le collector.

L’amateur d’hier, qui est sur Facebook, qui suit Luca Gargano, qui lit Dave Broom, qui est abonné à Whisky Mag, aujourd’hui on se dit que l’on va en faire un collectionneur. Parce que Macallan nous pousse à aller un peu dans cette tendance-là. Et je pense que beaucoup d’amateurs sont devenus acteurs de ça.

Beaucoup sont aussi restés comme spectateurs, parce qu’il faut avoir les moyens. En dessous, ça a continué à se diversifier, mais malgré tout c’est une passion qui ne coûte pas rien. Tout dépend où tu te positionnes, mais si tu es un vrai amateur et que tu te fais plaisir régulièrement, c’est quand même un budget. Je pense que le panier moyen, aujourd’hui, dans les spiritueux, est plutôt entre 80 et 100€, là où il était peut-être aux alentours de 40 ou 60€ il y a encore quelques années. On voit bien qu’il a été décalé. Le problème, c’est que ça devient très élitiste.

« C’est peut-être finalement ça, en fait, la prochaine grosse tendance dans les spiritueux, c’est revenir à quelque chose de plus maîtrisé, car certaines marques n’ont plus cette maîtrise. »

En tout cas, sur le Whisky Live et à la Rhum Gallery, notre démarche est vraiment de démocratiser. Tu vois, quand je parle de la Cocktail Street, ce que j’aime bien c’est qu’avec avec l’entrée qui est gratuite, ça permet véritablement d’avoir une première approche du monde de la mixologie et des spiritueux : « J’ai 18 ans, j’ai 25 ans, j’ai 35 ans, je ne connaissais pas forcément, ou j’ai un copain qui m’emmène là, ça me permet d’avoir un premier contact avec les bartenders, je découvre que c’est comme de la cuisine en fait, c’est sympa… » Il y a vraiment ce côté de partage, il ne faut pas oublier ça. C’est avant toute chose un moment de trois jours de partage, bartender avec consommateur, et puis producteur avec consommateur, avec amateur…

Tu as des gens qui viennent pour la première fois, des gens qui viennent pour la deuxième, troisième, quatrième fois, qui connaissent, qui commencent à avoir leurs repères, avec leurs marques… Parfois, certains se donnent rendez-vous, les marques prennent rendez-vous avec leurs clients. Et puis tu as la troisième catégorie, c’est les ultra geeks qui sont pour certains là depuis 2004.

J’imagine que l’on va aussi avoir de belles masterclasses…

Cette année il y a une évolution dans le domaine des masterclasses. C’est-à-dire que l’on en fait depuis 20 ans, et on s’est dit que c’était l’occasion d’aller un peu plus loin en organisant des tables rondes, pour poser un sujet et le partager via différents points de vue. C’est une façon de tirer vers le haut le contenu du salon. Chaque jour, sur les 3 jours, tu auras une salle dédiée aux tables rondes, et une salle consacrée aux masterclasses.

Sur le rhum, on a une table ronde le samedi à 17h, animée par l’amie Christine (Christine Lambert, journaliste pour Whisky Mag notamment), avec Alexandre Gabriel, Marc Sassier et Marc Reynier (Waterford, Renegade) autour de l’importance des origines.

La deuxième table ronde autour du rhum abordera le sujet Pot Still vs Colonne vs Double Retort. Ce sera plutôt technique, fermentation, distillation, et toujours animé par Christine, avec Luca Gargano (Velier), Grégory Vernant-Neisson, et Herbert Linge (Providence, Vieux Labbé).

Au programme des masterclasses, nous avons Zacapa, le samedi, avec Lorena Vasquez (maître de chai). Le dimanche, nous aurons Providence et Stade’s, puis le lundi West Indes Rum Distillery et Isautier.

(Pour les tables rondes et masterclasses, pas besoin de billet spécial ni de réservation, il faudra juste se présenter suffisamment tôt devant les salles.)

« On fait tout pour que ce soit un beau rendez-vous, que ce soit convivial, et il y a des chances que ça le soit ! »

Sur ce, on se donne tous rendez-vous au Whisky Live ! Merci Nicolas !

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