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Old Brothers : Interview d’Anthony Martins 1/2

Depuis 2017, les vieux frères Anto et Julien régalent les amoureux du rhum et des spiritueux avec des sélections spectaculaires. À l’occasion de l’arrivée de la gamme Old Brothers sur Rhum Attitude, nous avons discuté avec Anthony qui nous dévoile les coulisses des derniers embouteillages. Cette interview est publiée en deux parties, car Anto est passionné, passionnant, et donc bavard 🙂

On démarre avec ce rhum du Panama, sélectionné en collaboration avec le bar à rhum de l’hôtel Monte-Cristo, le 1802. C’est un gros coup de cœur pour nous, mais aussi une sacrée surprise :

Old Brothers Panama 70,1°

« Moi-même je ne m’attendais pas à ça ! L’histoire commence au Rhum Fest Paris en 2019, quand je passe devant le stand Abuelo. Je connais très bien Dimitri (Dimitri Pérez de chez Apotheka, distributeur de Abuelo en France, ndlr), qui me dit « Anto, tu demandes des jus à tout le monde, mais pas à moi ! ». Je lui réponds franchement, en lui disant qu’il y a plein distilleries qui m’excitent, mais qu’en effet je n’ai pas encore pensé à Abuelo. Il me dit que j’ai tort, mais je ne refuse jamais une dégustation, donc je veux bien goûter. Il m’a pris aux mots, et une semaine après je recevais un sample.

C’est donc un rhum pour lequel ils choisissent les meilleures mélasses du domaine. Ils font une fermentation « courte » de 72 heures, avec des levures indigènes. Il s’en suite une distillation à 81 % sur une seule colonne, bien plus bas que le reste de la production, pour aller extraire plus d’arômes. Ils se servent de ce rhum pour amener de la complexité dans les assemblages. Il est assemblé avec des rhums distillés beaucoup plus haut, beaucoup plus légers en arômes.

Quand j’ai goûté j’ai pris une énorme claque. Ça m’a fait penser à La Guildive de Ferroni, à des choses très très riches comme River Antoine etc.

“C’est végétal à mort, on pourrait croire que c’est du jus de canne !”

Au départ j’ai cru que j’avais fait une bêtise : il était à 81 % et il était très très bon. Mais je me suis dit que c’était quand-même un peu fort, et qu’il fallait que je le réduise légèrement. J’ai utilisé de l’eau distillée, et j’ai attrapé des notes métalliques à la réduction. Je me suis dit que j’avais flingué mon embouteillage ! Et puis avec le temps c’est passé, et il est revenu comme à l’origine.

Maintenant je réduis à l’eau de source Mont Roucous. On me l’a conseillée, je l’ai essayée et en effet c’est vraiment meilleur. À la réception, j’ai tout mis dans une cuve en inox, et je l’ai réduit sur 3 mois. Je l’ai baissé de 10 %, et je l’ai brassé. Je brasse à la main, c’est-à-dire que j’ai une pagaie à côté de la cuve, et dès que quelqu’un passe à l’atelier, il met un coup de pagaie. Il faut y mettre de l’amour. Quand c’est fait avec un moteur, c’est mécanique, ce n’est pas la même énergie. Moins on casse le spiritueux, plus on est délicat, mieux c’est. C’est comme dans le vin, pour ne pas le brusquer, on le fait circuler par gravité. Je suis sûr que c’est ce qu’il faudrait que je fasse aussi.

Dans l’entrepôt, j’ai une énorme poutre métallique. J’aimerais justement m’en servir pour faire circuler mes spiritueux par gravité et ne plus utiliser de pompe. Beaucoup de gens m’ont dit que ça marchait sur le vin, mais pas sur les spiritueux. Mais je me dis que si c’est bon pour le vin, c’est bon aussi pour les spiritueux.

Il y a plein de choses que l’on m’avait dit de ne pas faire, et je les ai faites quand-même !

On m’avait dit qu’il ne fallait pas mettre en fût à 90 %, eh bien j’ai mis le premier en fût à 86 %, le suivant à 69 %, puis à 65 %. Je veux comprendre par moi-même plutôt que de simplement écouter. Souvent, les gens ont une expérience de formation cognaçaise qui est assez linéaire. J’ai besoin de comprendre par moi-même parce que ce n’est que le début, donc je ne veux pas passer à côté de choses. Je pense que suivant les spiritueux qu’on met en fût, certains vont réagir beaucoup mieux que d’autres.

Ça dépend aussi du temps de vieillissement. Par exemple, si je mettais en fût pour que ça y reste 20 ans (chose que je ne suis pas capable de faire financièrement pour l’instant), j’aurais tendance à mettre à 86 %. Ma démarche actuellement, c’est que je mets en fût à plein degré, et j’applique une réduction progressive, un peu à la cognaçaise, pour le ramener à 65 % tout au long du vieillissement. C’est-à-dire que s’il doit rester 5 ans en fût, la première année je vais le laisser à 86 % pour qu’il aille bien chercher dans le bois et extraire les tanins. Et puis à partir d’un an, je vais appliquer une réduction très lente, litre par litre, jusqu’à arriver au degré que je veux.

Je suis quelqu’un qui n’aime rien d’autre que le fût de bourbon. Je les préfère de premier remplissage. Il y aura toujours un deuxième passage, mais je ne vais jamais utiliser des fûts complètement « rincés » (= épuisés, ndlr). »

 

Retrouvez sa note de dégustation ici.

Poursuivons avec les deuxièmes batches des blends FWI (Barbade) et LPCH (Jamaïque) :

Old Brothers FWI Batch 2 47,1°

« Sur ce batch 2, les fûts sont plus âgés. J’ai du 2014 pour la WIRD, que j’ai reçu à 64,6 %, et du 2016 pour Foursquare, reçu à 65,9 %, en fût de bourbon (comme pour le premier batch, mais donc avec un an de plus).

J’ai refait 30 essais d’assemblages, et rebattu les cartes, parce que chaque fût est unique. Je n’ai pas voulu faire les mêmes proportions juste parce que c’étaient les mêmes millésimes. Au final on a 10 % de Foursquare en plus, parce qu’il était un peu moins sucré que le premier. Pour celui-là, j’avais même fait refaire le taux d’obscuration, parce qu’il paraissait tellement sucré ! Et au final, ni caramel, ni rien du tout, c’est impressionnant. Le taux d’obscuration est à 0, il n’y a rien d’autre que du rhum.

Tout est allé en cuve inox, chez Jean Cavé (le producteur d’armagnac, ndlr). Ghislain, le maître de chai de la maison, a exécuté un planning sur 7 mois pour intégrer le rhum et la réduction au fur et à mesure. On a mis de l’eau une fois tous les quinze jours, pour qu’il arrive à 47,1 % au bout de 7 mois et demi. J’avais cet objectif en degré parce qu’après avoir fait des essais, je m’ennuyais en dessous de 47 %.

Pour Foursquare, l’assemblage est fait de 40 % de pot-still et 60 % de colonne. Pour la WIRD c’est simple, il y a un fût de pot-still et un fût de colonne. »

 

Retrouvez sa note de dégustation ici.

Old Brothers LPCH Batch 2 47,1°

« La qualité est vraiment montée d’un cran par rapport au premier batch, surtout en raison du temps qu’on y a mis. Après les essais, j’ai ajouté 3 % de plus de Hampden. J’ai plusieurs fûts en vieillissement donc je peux utiliser ce que j’ai envie. J’ai du DOK, du LROK, du <H>… Donc là j’ai remis du DOK vieilli en fût de bourbon, à hauteur de 13 %, contre 10 % la première fois. Ce n’est pas rien sur ce genre de jus.

La première fois, je l’avais assemblé sur 3 mois, et là sur 7, donc au lieu d’avoir trois produits, on a vraiment un seul produit, plus harmonieux, mieux intégré. C’est là que j’ai compris que je peux encore augmenter le niveau, parce que la qualité est égale au temps et le temps est égal à l’argent. Si la première fois je l’avais fait sur 3 mois, c’est simplement parce que je devais payer les factures (rires)! La deuxième fois j’ai pu attendre 7 mois et demi, et la troisième fois j’espère que je pourrai faire mieux encore, peut-être en foudre ex-cognac Grande Champagne avec 20 ans de cognac. Si je peux le faire sur un an, un an et demi, ce sera top. Je peux encore vraiment augmenter le niveau et c’est ça qui m’excite.

Je m’en fiche de reproduire toujours le même blend. Old Brothers s’autorise tout ce qu’il veut ! D’un batch à l’autre, je ne veux pas que ça se ressemble forcément. C’est ça la magie des spiritueux, c’est que chaque fût est unique. Pourquoi forcer les choses à être similaires ? Ce qui est beau, c’est que c’est différent. Et de ce fait, certains préféreront le batch 3, d’autres le batch 1, c’est très bien comme ça.

Les fûts ont été sélectionnés dans les distilleries, tout arrive chez moi après un vieillissement tropical. Il y a du EMB et du MLC de Clarendon, du VRW et du STCE de Long Pond, et du DOK de Hampden, le tout en ex-fût de bourbon.

Je vais aussi mettre en vieillissement du Long Pond STCE, du New Yarmouth high ester et du Savanna HERR. Pour moi, en toute objectivité, les high esters et les grand-arômes sont les fûts sur lesquels on peut le moins se tromper. »

 

Retrouvez sa note de dégustation ici :

Old Brothers Diamond – Versailles 2003-2018 61,5°

« Toujours ex-bourbon, brut de fût, couleur naturelle, sans filtration à froid. C’est un 15 ans embouteillé en décembre 2018. La mark MDK est en fait une mark de broker, j’ai appris plus tard que c’était en fait un VSG, mais trop tard, les étiquettes étaient déjà posées ! (rires) »

Retrouvez sa fiche produit ici.

Suite au prochain épisode

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