Long Pond
L’histoire de Long Pond
La distillerie jamaïcaine de Long Pond est l’une des bases du style très funky issu de la paroisse de Trelawny. Son histoire remonte à 1730, lorsque Simon Peter Clarke, officier de la Navy britannique, est déporté en Jamaïque pour s’être rendu coupable de faits de banditisme. Son cousin Simon est déjà sur place depuis 1722, en tant qu’émissaire de la couronne. Le fils de ce cousin, également prénommé Simon, hérite à la même époque du domaine « Retirement ».
En 1753, la famille établit une sucrerie équipée d’une distillerie sur le domaine. Les premières traces écrites de production de rhum apparaissent en 1780. Divers propriétaires se succèdent ensuite jusqu’en 1921. Cette année là, la société écossaise Sheriff & Co rachète un lot de domaines dont Long Pond fait partie, et y construit son usine / distillerie.
Entre 1945 et 1949, la concentration des propriétés se poursuit, et d’autres domaines environnants sont rattachés à Long Pond. En 1953, la multinationale canadienne des spiritueux Seagram recherche une distillerie capable d’assurer la production de son déjà fameux Captain Morgan, et fait ainsi l’acquisition de la distillerie de Long Pond. Après le rachat de Vale Royale en 1955, Long Pond rassemble désormais 17 domaines au total, et est rebaptisé Trelawny Estate.
Avec le temps, Seagram finit par se détourner de la Jamaïque, pour s’intéresser aux plus grosses unités de production. En Amérique Latine, elle trouve des distilleries plus profitables, plus modernes, équipées de grands systèmes multi-colonnes. Les distilleries jamaïcaines qui conservent leurs méthodes traditionnelles et leurs pot-stills se retrouvent en difficulté financière dans ce contexte.
L’état jamaïcain au secours de ses distilleries
Pour sauver ces géants fragilisés par la concurrence, l’ensemble est nationalisé en 1977. La gestion de la distillerie et celle de la sucrerie sont séparées, mais sont désormais sous la bannière de la National Sugar Company of Long Pond. En 1980, la société National Rums of Jamaica est créée et s’occupe de la partie distillerie.
L’année 1993 voit une semi-privatisation, lorsque plusieurs sociétés financières entrent au capital de Long Pond. Depuis 2009, la National Sugar Company of Long Pond n’existe plus, ainsi la sucrerie et la distillerie appartiennent à des propriétaires différents. Ce sont les Everglade Farms (également propriétaires de la distillerie Hampden) qui héritent de la sucrerie, et NRJ conserve la partie distillerie.
Depuis le début de cette longue existence, Long Pond n’a jamais eu sa propre marque de rhum. Elle a toujours fonctionné dans le cadre de l’ancien système colonial britannique, c’est-à-dire en vendant uniquement en vrac à destination de grandes multinationales, de marques locales et de négociants européens.
Le début du troisième millénaire
En 2012, la distillerie est contrainte de suspendre son activité pour rénovation, et est priée notamment d’améliorer le traitement de ses effluents. En 2017, la Maison Ferrand rachète la WIRD, à la Barbade, et hérite ainsi d’un tiers de NRJ. La société est désormais gérée par l’État jamaïcain, Demerara Distillers Limited et United Caribbean Rum Limited, une holding de Maison Ferrand (Plantation Rum).
Les travaux de Long Pond se terminent cette même année, et la distillerie recommence à tourner en juillet. Mais un grave incendie survient en 2018, qui touche surtout le bâtiment des fermentations. 65 000 litres de mélasse fermentée et prête à distiller sont perdus, mais surtout les cuves de bois et leur écosystème unique partent en fumée. Alexandre Gabriel, le patron de Maison Ferrand, n’accepte pas cette fatalité. Il fait reproduire 35 cuves par un artisan mexicain qui officie habituellement dans la tequila.
En 2021, le premier rhum étiqueté de la marque Long Pond (ITP 15 ans) voit le jour. Enfin, en 2022, la distillerie est à nouveau pleinement opérationnelle.
La production à Long Pond
Long Pond produit des rhums de mélasse qui vont du plus léger au plus lourd. Elle couvre ainsi tout le spectre du rhum jamaïcain. Les fermentations ont des durées variables (de 48 heures à 4 semaines) selon qu’elles sont prévues pour les rhums légers ou lourds.
Pour les rhums lourds, la fermentation se fait à l’air libre, dans des cuves de bois. On en comptait une cinquantaine avant l’incendie de 2018. Elles sont aujourd’hui au nombre de 24 (12 cuves de 450HL, 6 de 180HL et 6 de 135HL), et ce chiffre devrait à terme passer à 63. Ce sont des levures indigènes qui s’occupent de transformer le sucre en alcool. La durée du processus s’étend sur 2 à 4 semaines.
La mélasse à fermenter est additionnée de vinasses (dunder) et éventuellement de muck. Ce dernier est une sorte de réacteur biologique, un mélange de vinasses, de bagasse, de fruits, de résidus de distillation, d’eau de rinçage des appareils de distillations, de fonds de cuve de fermentation, etc, reposé à l’air libre dans cuves de ciment. Son apport en termes de bactéries et d’acidité en fait un allié indispensable à la production de rhums très aromatiques « high esters ».
En ce qui concerne les rhums légers, la fermentation se fait dans trois grandes cuves de 1800HL, à l’aide de levures de culture.
La distillation est uniquement en pot-still chez Long Pond. Elle disposait autrefois d’une double colonne Blair, qui n’est plus en service depuis 2010. Aujourd’hui, 2 pot-stills Blair et 3 John Dore à double retors assurent le travail. Ils datent des années 1960 – 1970 et sont tous réglés et assemblés selon différentes configurations.
Les marks de Long Pond
Comme toutes les distilleries jamaïcaines, Long Pond classe les différents rhums qu’elle peut produire à l’aide d’un système de « marks ». Ces marks désignent un profil particulier, assorti d’une concentration en molécules aromatiques (esters exprimés en g/hlap).
LRM 50-90
ITP/LSO 90-120
HJC/LIB 120-150
VRW/IRW 150-250
OCLP/HHHS 250-400
LPS 400-550
STC♥E 550-700
TECA 1200-1300
TECB 1300-1400
TECC 1500-1600 Lire moins
