Guadeloupe
L’histoire du rhum en Guadeloupe
La Guadeloupe ne s’est pas toujours appelée ainsi. Les indiens Caraïbe, ses premiers habitants, l’avaient nommé Karukera, qui signifiait « l’île aux belles eaux ». C’est Christophe Colomb qui l’a renommée en Santa Maria de Guadaloupe lorsqu’il l’a découverte lors de son deuxième voyage en 1493.
C’était donc une île espagnole au départ, qui est restée inoccupée et même inexplorée durant un siècle, les colons étant plutôt sur la piste des gisements d’or.
En 1626, Richelieu a décidé de coloniser les petites Antilles, s’attaquant ainsi à la Martinique et à la Guadeloupe. L’extermination des indiens Caraïbe a commencé dès 1635 et a été rapidement accomplie. Le royaume de France a alors entrepris de faire de la Guadeloupe une île à sucre en y envoyant des cohortes d’esclaves. Cependant, les techniques de la plantation échappaient aux colons français. Ils durent attendre l’arrivée des hollandais chassés du Brésil pour se perfectionner et ainsi recouvrir l’île de canne à sucre d’ici à la fin du XVIIème siècle.
Les débuts du rhum
On sait que l’on a fabriqué de l’eau-de-vie de canne ou de la guildive assez rapidement. Il existe un document qui interdisait d’en servir aux esclaves, suite à une révolte sanglante ayant éclaté en 1656. Le premier document qui parle de rhum à proprement parler a été écrit par le père Du Tertre en 1667.
Les plantations de canne s’étendaient surtout sur Grande Terre, son relief relativement plat se prêtant davantage à l’agriculture. Mais l’île était relativement dépourvue de cours d’eau exploitables pour faire tourner les moulins. C’est ce qui a conduit à l’édification de nombreux moulins à vent, encore visibles aujourd’hui.
À la moitié du XVIIIème siècle, la Guadeloupe est colonisée par les anglais qui démarrent l’activité d’export de mélasse. L’île reste un petit producteur de sucre face à la géante qu’est sa voisine de Saint Domingue. Au tournant du XIXème siècle, la révolution française abolit l’esclavage, avant que Napoléon ne le rétablisse rapidement, ce qui perturbe fortement la production. Le rhum retrouve des couleurs au cours du XIXème siècle, bien que le protectionnisme des eaux-de-vie du vieux continent l’empêche de progresser.
Un parcours semé d’embuches
À la fin du XIXème siècle, la Guadeloupe produit et vend 5 fois moins de rhum que la Martinique. Le rhum de l’île voisine a bien meilleure réputation et se vend à un meilleur prix, ce qui fait que les sucreries préfèrent y vendre leur mélasse. L’éruption de la Montagne Pelée inverse un temps la tendance, mais la Martinique se remet vite en selle et produit deux fois plus de rhum que la Guadeloupe seulement 10 ans après le cataclysme.
Le sort s’est acharné, car un cyclone a détruit une grande partie des plantations en 1928. Les prix élevés du rhum ont alors entraîné une chute des ventes en métropole. On a introduit des techniques plus modernes de fermentation et de distillation pour regagner un peu en rendement, mais la qualité a substantiellement baissé. La deuxième guerre mondiale a coupé les Antilles de la métropole et les distilleries se sont retrouvées avec de gros stocks sur les bras. Nombre d’entre-elles ont également dû fermer suite à des problèmes d’entretien, les pièces détachées étant alors impossibles à obtenir.
Les rhums de Guadeloupe aujourd’hui
En 1939, on comptait 55 distilleries. En 1954, il en restait 37 et seulement 9 au début des années 1970. L’évolution de l’industrie du sucre et du rhum a été la même qu’en Martinique, avec cependant un décalage dans le temps. Alors que dans les années 60 et 70, le nombre de sucreries a considérablement chuté en Martinique, il est resté stable en Guadeloupe.
Mais la concentration industrielle a également fait son chemin dans les années 80, aidée par le cyclone Hugo de 1989 et par les sécheresses de 1991 et 1992. C’est ainsi qu’aujourd’hui seule la sucrerie Gardel est en activité en Guadeloupe. Les quantités de mélasse restent importantes mais bien moindres que par le passé, et l’on distille de plus en plus de rhum agricole depuis les années 90, avec 11000 hectares de canne à sucre. Le nombre de distilleries fumantes est aujourd’hui de 7 (6 agricoles et 1 de mélasse).
Les distilleries de Guadeloupe
Bellevue / Damoiseau
La distillerie Bellevue est née en 1914 et ne produisait alors que des rhums de mélasse. En 1942, Roger Damoiseau, grand père d’Hervé, a repris la distillerie pour en faire le principal producteur de rhum agricole des Antilles Françaises.
La fermentation du pur jus de canne dure entre 24 et 36 heures, puis le vesou passe par 2 colonnes de distillation modernes pour en sortir à 80-88% d’alcool.
Damoiseau dispose du plus grand stock de rhum vieux de Guadeloupe. Cela lui permet de proposer, en plus de son rhum blanc classique, des rhums VSOP, XO, des millésimes, et des éditions spéciales comme la cuvée Subprime.
Bologne
C’est le leader sur basse terre, même si Damoiseau est en tête si l’on considère la Guadeloupe dans son ensemble.
À l’origine, il y avait une sucrerie fondée en 1664 et transformée en distillerie au cours du XVIIIème siècle.
Cette distillerie utilise une variété de canne qui lui est propre. C’est une espèce à faible rendement mais à fort potentiel aromatique, qui couvre 60% de ses besoins.
Le vesou est fermenté durant 48 heures à l’aide de levures sélectionnées depuis la canne à sucre. La distillation se fait sur une ancienne colonne Savalle et sur 2 autres colonnes plus modernes. Le rhum s’en écoule entre 75 et 80%, avant d’être réduit avec de l’eau de source de la Soufrière.
Le célèbre Maillot Jaune est un incontournable, et le Black Cane est un mono-variétal très intéressant. La pratique du vieillissement est récente, mais Bologne s’est distinguée avec des rhums vieux remarquables, comme le VSOP ou le XO.
Montebello
Fondée en 1930, c’est une distillerie assez jeune. Elle est la propriété de la famille Marsolle depuis 1968. Elle ne cultive pas sa propre canne à sucre mais s’approvisionne auprès de cultivateurs locaux. C’est la canne verte qui est privilégiée et qui a donné lieu aux rhums blancs millésimés de la collection Winch.
La fermentation à l’aide de levures sélectionnées dure un peu plus de 24 heures. La distillation se fait sur deux colonnes, une ancienne Savalle et une SOFAG un peu plus moderne, en acier. Montebello a comme spécificité de placer les fûts de chêne dans des containers en métal pour accélérer le vieillissement, là où d’autres distilleries cherchent au contraire à diminuer la part des anges.
Ses rhums blancs sont appréciés sur l’île en Ti’punchs, et ses rhums vieux très gourmands font le bonheur des amateurs. Son 6 ans d’âge est reconnu comme étant un beau représentant des rhums vieux de Guadeloupe.
Séverin
C’est Monsieur Séverin qui a donné son nom à une petite distillerie au XIXème siècle. Rachetée par la famille Marsolle en 1928, cette dernière l’a modernisée et développée jusqu’à un rachat et un déménagement en 2019. La colonne de distillation a remplacé l’alambic traditionnel en 1966. La distillerie s’est illustrée dans les années 1970 avec la création d’une gamme reconnue de punchs.
La distillerie dispose de 7 hectares de canne. Le pur jus pressé bénéficie d’une fermentation de 48 heures à l’aide de levures de brasserie. Le vesou est ensuite distillé sur une petite colonne créole traditionnelle d’où il s’écoule à 68-70%, produisant ainsi des rhums blancs très aromatiques.
Le Séverin blanc à 55% est un incontournable pour les ti’punchs guadeloupéens, et les rhums vieux VSOP ou XO sont connus pour leur gourmandise et leur richesse.
Reimonenq
La distillerie a été mise sur pied en 1914 et est dirigée par Léopold Reimonenq depuis 1958. Après une rénovation en 1960, cette figure de la Guadeloupe a aussi planté 100 hectares de canne pour s’assurer un bon approvisionnement. En 1970, un incendie a ravagé les installations, mais la reconstruction a rapidement eu lieu. On en a alors profité pour équiper la distillerie de moulins électriques et pour apporter une amélioration à la colonne.
Un musée du rhum a été construit sur les lieux de la distillerie, mais comble de la malchance, il a aussitôt été détruit par le cyclone Hugo. Le bâtiment a été reconstruit en 1990 et les rhums Reimonenq qui étaient jusqu’alors distribués sous la marque Corsaire ont pris le nom de « musée du rhum ». En 2002, Léopold Reimonenq a mis au point une double colonne de distillation d’un genre unique, avec l’aide d’un ingénieur français.
Le jus de canne provient de variétés classiques originaires de la Réunion. Il est fermenté durant 20 heures à l’aide d’un levain de type boulangerie. Le rhum s’écoule de la colonne à 80% d’alcool.
Le cœur de chauffe est un rhum blanc très rond et aromatique, il préfigure une série de rhums vieux qui le sont tout autant. Alors que la cuvée spéciale JR met l’accent sur le fût de bourbon, le 9 ans et les mythiques cuvées hors d’âge ou RQL font appel à un boisé reconnaissable entre tous et ultra-gourmand.
Longueteau
Longueteau est la plus petite distillerie de Guadeloupe, mais aussi l’une des plus remarquables. Son histoire a commencé en 1895 lorsque l’habitation Espérance est rachetée par la famille pour en faire une distillerie. Depuis que François Longueteau a repris l’affaire familiale en 2005, elle a connu un souffle nouveau et un succès croissant. François est à la fois propriétaire, agriculteur et distillateur. Il a dépensé son énergie sans compter, ce qui a valu à son rhum une reconnaissance considérable.
Les cannes bleues et rouges sont plantées sur le domaine et la distillerie est totalement autonome en canne à sucre. Il est important de noter que Mr Longueteau est également propriétaire de ses machines, ce qui fait qu’il récolte au moment où il le souhaite, lorsque la canne est à parfaite maturité.
Le jus de canne est mis à fermenter durant 48 heures à l’aide de levures de brasserie, sans être acidifié. Il est ensuite distillé sur une colonne Savalle dont il s’écoule à 70-80%.
La distillerie a connu un succès retentissant avec ses rhums mono-parcellaires, comme la fameuse parcelle de canne rouge n°9 ou la délicieuse parcelle de canne bleue n°4. Ses rhums blancs sont reconnus comme étant les meilleurs de Guadeloupe, à l’image du rhum blanc 62% ou du brut de colonne Genesis. Ses rhums vieux comme le XO ou la carafe des 120 ans sont quant à eux entrés dans la légende. Lire moins
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